Derrière les comptes : déchiffrer le budget des communes de l’Hérault

27 mai 2025

Les fondations budgétaires des communes héraultaises : d’où vient l’argent ?

Sans ressources, pas de services publics. Dans l’Hérault, les budgets communaux reposent sur trois piliers principaux, complétés par des sources secondaires. Premier levier : la fiscalité locale. En 2023, pour une commune de moins de 5 000 habitants, c’est souvent la taxe foncière, unique après la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales, qui occupe le haut du panier. À Montpellier, la taxe foncière sur les propriétés bâties représente plus de 80 millions d’euros annuels (source : collectivites-locales.gouv.fr).

Le second appui, moins connu mais essentiel, ce sont les dotations de l’État, dont la dotation globale de fonctionnement (DGF). À l’échelle du département, ces transferts représentent près de 300 millions d’euros reversés en 2022 (source : Direction Générale des Collectivités Locales).

Des recettes annexes complètent la palette : loyers perçus pour des équipements municipaux, droits de mutation lors des ventes immobilières (notamment dans les zones attractives du littoral), produits des services municipaux (cantines, piscines, parkings payants)… Mais leur poids varie fortement selon la taille et la spécialisation économique de la commune.

Où va la dépense publique locale ? Une répartition qui dit beaucoup

Chaque euro dépensé localement pèse sur la vie quotidienne : l’école primaire, la voirie communale, la gestion des déchets, les équipements culturels ou sportifs… Tous sont financés par le budget communal, dont la distribution obéit à un triptyque :

  • Les dépenses de fonctionnement : ce sont tous les coûts quotidiens, du salaire des agents municipaux aux factures d’électricité, en passant par les fournitures scolaires. L’INSEE estime qu’en 2021, dans l’Hérault, elles représentaient en moyenne 57 % des dépenses totales des communes.
  • Les dépenses d’investissement : écoles rénovées, nouveaux équipements sportifs, réseaux d’eau modernisés… Ces grands travaux dépendent des capacités d’autofinancement ou de l’emprunt. Hors métropole, nombre de petites communes investissent jusqu’à 30 % de leur budget dans l’entretien ou la construction.
  • Le remboursement de la dette : une part variable, mais structurante. Pour une commune comme Lunel, l’encours de dette par habitant dépassait 700 € en 2022, contre à peine 410 € en moyenne nationale (source : DGCL).

Des impôts locaux, mais lesquels ? Les clés du financement

Le système fiscal local, réputé touffu, se structure depuis la Réforme de 2020 autour de quelques recettes principales :

  • Taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties : elle est aujourd’hui la principale source directe de recette pour la grande majorité des communes, depuis la suppression progressive de la taxe d’habitation sur les résidences principales. Seules subsistent les taxes sur les résidences secondaires (toujours perçues par certaines communes rurales ou touristiques) et sur les logements vacants.
  • Contribution économique territoriale (CET) : elle regroupe la contribution foncière des entreprises (CFE) et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Ces impôts locaux sur l’activité économique bénéficient aux communes ou intercommunalités, avec parfois de fortes disparités selon le dynamisme du tissu économique local.
  • Taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) : acquittée par presque tous les propriétaires, elle finance la collecte et le traitement des déchets. Dans des intercommunalités comme Sète Agglopôle, elle représente plusieurs millions d’euros par an.

Comprendre qui paie quoi : la fiscalité locale dans l’Hérault

Qui paie ces impôts ? Propriétaires, parfois locataires (pour la taxe d’habitation résiduelle), entreprises… La réforme engagée ces dernières années a réduit l’assiette des contribuables en supprimant la taxe d’habitation pour 80 % des foyers (excepté pour les résidences secondaires). Cela a créé, paradoxalement, une dépendance accrue à la taxe foncière, faisant grimper la pression pour certains propriétaires, notamment à Montpellier, où les taux ont augmenté de 18 % en 2022 (source : France Bleu).

Les entreprises restent, quant à elles, les principales contributrices de la CET et parfois de la taxe sur la publicité extérieure, selon leur activité.

Les raisons des hausses d’impôts locaux : entre contraintes et arbitrages

Pourquoi la hausse ? Plusieurs facteurs s’entrecroisent. D’abord, la stagnation – ou la baisse – des dotations de l’État a poussé des mairies à augmenter la taxe foncière pour préserver les investissements ou maintenir la qualité des services publics. À cela se sont ajoutés, en 2022-2023, la flambée des coûts de l’énergie (multiplié par trois pour certaines piscines municipales), l’inflation générale, et la nécessité de financer l’adaptation climatique (rénovation thermique, gestion de la ressource en eau par exemple). À Sète, le maire a justifié une hausse de près de 10 % de la taxe foncière pour absorber la hausse des dépenses obligatoires.

La tentation de l’augmentation des impôts n’est pas systématique mais reste une variable d’ajustement politique dans les communes situées en zone tendue ou celles dont la population croît rapidement, créant de nouveaux besoins structurants.

Comment s’élabore et se décide le budget communal : une mécanique participative… parfois opaque

La confection du budget municipal se déroule dans chaque mairie selon un calendrier précis :

  1. Constitution d’un débat d’orientation budgétaire (DOB). Obligatoire dans toutes les communes de plus de 3 500 habitants, il permet d’exposer en conseil municipal les grandes priorités, la trajectoire de financement et les incertitudes économiques (baisse de dotations, inflation des dépenses…).
  2. Rédaction du budget primitif par les services municipaux, sous l’autorité du maire. Les commissions municipales (urbanisme, finances, affaires scolaires…) alimentent le débat, parfois en concertation avec les comités citoyens ou au travers d’ateliers participatifs – une pratique qui se diffuse doucement, mais reste minoritaire.
  3. Vote du budget en conseil municipal, en séance publique. L’exercice, souvent technique, donne lieu à un débat politique, parfois nourri, souvent feutré, suivant la taille de la commune. Le budget est adopté à la majorité.

Au fil de l’année, un budget supplémentaire peut être voté pour ajuster la trajectoire en cas de recettes ou de dépenses imprévues.

Dette locale : comment les communes héraultaises jonglent avec leurs emprunts

L’investissement local nécessite parfois des emprunts. Dans l’Hérault, le ratio d’endettement est variable. Certaines communes, en croissance rapide, n’hésitent pas à lever de la dette pour répondre à la pression démographique – souvent pour bâtir des écoles ou étendre les réseaux d’eau potable. La commune de Pérols, par exemple, a dû doubler sa capacité d’emprunt entre 2019 et 2023 pour accompagner des projets structurants. À l’inverse, beaucoup de villages préfèrent rester prudents, sous l’œil attentif de la Chambre régionale des comptes : le risque de surendettement pèse sur la solvabilité et l’avenir des services publics locaux (sources : Cour des comptes).

Dotations de l’État : un levier majeur, mais de plus en plus sous tension

Pour de nombreuses communes, les dotations versées par l’État représentent un pourvoyeur décisif, surtout pour les villages ruraux. La DGF reste la principale manne, mais elle a décru en moyenne de 10 % sur la décennie écoulée. Cela met à mal les budgets fragiles, forçant parfois à réduire l’offre de services ou à différer des investissements.

Face à cette baisse, la solidarité intercommunale (mutualisation de services, financements croisés) devient plus stratégique, à l’exemple de la Communauté de commune du Grand Pic Saint-Loup, qui finance école de musique et services d’aide à la personne via des budgets mutualisés.

La transparence, un défi encore bien réel pour les budgets locaux

Légalement, chaque budget municipal doit être publié et accessible à toute personne qui en fait la demande. Cependant, dans la pratique, l’information reste souvent disséminée, technique et peu lisible. Les grands centres urbains, comme Montpellier, proposent désormais des versions simplifiées (infographies, synthèses) consultables en ligne, mais trop peu de petites communes suivent l’exemple.

Des initiatives émergent pour vulgariser l’information : la plateforme Observatoire des finances et de la gestion publique locales propose des comparaisons entre communes, tandis que certains médias locaux s’appliquent à décrypter les budgets à l’approche des élections. L’enjeu : permettre aux citoyens de s’approprier un débat budgétaire complexe mais déterminant pour la vie démocratique locale.

Regards vers demain : évolutions, défis, participation citoyenne

Dans un contexte de ressources contraintes et de besoins croissants – transition écologique, pression démographique, solidarité sociale – le budget des collectivités de l’Hérault reste plus que jamais un enjeu central d’avenir. Habitants, élus, associations : tous sont appelés à se saisir de ces débats et à en exiger la clarté. Car la bonne gestion de l’argent public, c’est aussi l’affaire de tous.