Dans les coulisses du budget communal héraultais : où va l’argent public ?

10 juin 2025

Un budget communal : de quoi parle-t-on ?

Dans l’Hérault, comme partout ailleurs en France, chaque commune adopte chaque année son budget. Il ne s’agit pas d’un simple exercice comptable, mais de la matrice réelle de la vie quotidienne des habitants. Derrière les discussions en conseil municipal, c’est la question centrale du vivre ensemble qui s’exprime : que choisit-on de financer ? Où passe concrètement l’argent ? Et, aussi, ce qui ne sera pas fait faute de moyens.

Le budget d’une commune se divise en deux grandes masses : le fonctionnement (assurer au quotidien les services fondamentaux à la population) et l’investissement (construire l’avenir). L’Hérault compte 342 communes, du village de moins de 50 habitants au mastodonte qu’est Montpellier. Les ordres de grandeur varient, mais la logique reste la même : répondre à des besoins locaux, avec des marges de manœuvre limitées.

Fonctionnement : les dépenses du quotidien

Faire tourner une commune, ce sont d’abord des dépenses incompressibles, qui structurent le « fonctionnement ». D’après des données de la Direction générale des Collectivités locales (DGCL) pour l’exercice 2022, voici comment se répartissent en moyenne les dépenses de fonctionnement dans les communes héraultaises de plus de 3.500 habitants (hors Montpellier) :

  • Charges de personnel : environ 52 %
    • Écoles maternelles et primaires, surveillants de cantine, agents techniques, policiers municipaux, personnels administratifs : chaque service municipal existe parce que des agents sont sur le terrain. Exemple : à Sète, la masse salariale de la ville s’élève à 44 M€ sur un budget total de 96 M€ (2023, source : Conseil municipal de Sète).
  • Achats et prestations de services : 23 %
    • Repas scolaires, fournitures pour les crèches, entretien des voiries et espaces verts, électricité des bâtiments municipaux : des dépenses qui servent chaque jour concrètement aux usagers.
  • Subventions : 9 %
    • Associations culturelles et sportives, organismes sociaux, festivals locaux. Exemple : à Lodève (7.200 habitants), près de 580.000€ sont alloués aux associations et à l’action sociale (budget 2023 du Conseil municipal).
  • Participation au fonctionnement intercommunal (soutiens à l’agglo…) : 9 %
    • Versements aux structures intercommunales (communautés de communes ou d’agglomération), obligatoires pour partager des compétences.
  • Charges financières et autres
    • Remboursements d’intérêts de prêts, assurances des bâtiments, imprévus, etc.

À ce stade, le budget sert donc à maintenir des services attendus – du ramassage des ordures à l’éclairage public en passant par le fonctionnement des écoles. Les contraintes sont fortes : ces dépenses ne peuvent pas être suspendues du jour au lendemain, et augmentent mécaniquement (salaires, énergie, inflation...).

Investir pour le futur : les grands choix de l’action municipale

Le second pôle du budget municipal, l’investissement, marque la volonté de préparer l’avenir : il s’agit de financer des projets structurants. Ce poste, plus variable selon les années, recouvre plusieurs réalités dans l’Hérault :

  • Bâtiments et équipements neufs
    • Écoles, crèches, gymnases, médiathèques, maisons médicales communales, infrastructures sportives... À Clermont-l’Hérault, la construction du complexe culturel multipôle s’élève à près de 5,2 M€, étalée sur 3 ans (Rapport d’orientation budgétaire 2023).
  • Voirie et réseaux
    • Entretien ou rénovation des routes et trottoirs, modernisation de l’éclairage (LED), enfouissement des réseaux : à Lunel, 2,7 M€ sont investis en 2023 pour la voirie, dont 700.000€ pour la réfection de l’avenue Victor Hugo.
  • Transition écologique et rénovation énergétique
    • Installation de panneaux photovoltaïques sur les écoles, rénovation thermique des bâtiments publics, création de pistes cyclables : dans l’Hérault, 11,4 % des investissements communaux sont consacrés à ces questions, un record régional (source : Unadel, Rapport 2022).
  • Patrimoine et valorisation locale
    • Restaurations de monuments, mise en valeur de centres anciens, développement d’espaces verts. Exemple à Pézenas : 580 000€ ont été dédiés en 2023 à la rénovation de façades historiques.

Contrairement au fonctionnement, ces dépenses ne reviennent pas chaque année à l’identique. Elles traduisent le projet politique et les arbitrages des élus. Elles sont aussi soumises à la capacité d’emprunt de la commune, et au soutien des autres collectivités et de l’État.

D’où vient l’argent d’une commune héraultaise ?

Vouloir, c’est bien, pouvoir, c’est mieux. Mais d’où viennent les ressources permettant d’assurer ces missions ?

  • Fiscalité locale (impôts locaux) : 44 %
    • Taxe foncière sur les propriétés bâties, contribution économique territoriale (pour les entreprises). Depuis la suppression de la taxe d’habitation, la part payée par les ménages a baissé, mais la taxe foncière – qui augmente en moyenne de 7 % par an dans l’Hérault ces trois dernières années (source : Observatoire national des finances publiques, avril 2024) – reste la principale ressource directe.
  • Dotations de l’État : 29 %
    • La plus connue : la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF), 187 millions d’euros à destination des communes héraultaises en 2023 (préfecture de l’Hérault). À noter : la DGF a subi une baisse de près de 15 % en 10 ans.
  • Subventions et concours divers : 13 %
    • Conseil départemental, région Occitanie, Union européenne… sur des projets spécifiques.
  • Recettes d’exploitation : 7 %
    • Paiement des cantines, locations de salles, fermages, stationnement….
  • Emprunts : 7 %
    • Principalement utilisés pour financer les investissements. L’endettement moyen est de 767 € par habitant dans l’Hérault, contre 947 € en moyenne nationale (DGCL, 2022).

C’est un équilibre fragile : la baisse des fonds alloués par l’État oblige nombre de communes à augmenter la taxe foncière, en particulier pour continuer d’investir. Selon l’Association des Maires de l’Hérault, huit communes sur dix prévoient une hausse de la fiscalité locale en 2024.

Exemples concrets : là où chaque euro change la vie locale

Au-delà des grandes masses, la traduction concrète du budget municipal s’observe dans le quotidien des Héraultais :

  • Transport scolaire en zone rurale À Agde, la gratuité du ramassage scolaire profite à plus de 1.500 élèves chaque année, pour une dépense municipale brute de 340.000€. Dans les petites communes des Hauts Cantons, regroupements scolaires et bus dédiés pèsent lourd dans les comptes.
  • Petite enfance et jeunesse À Mèze, le multi-accueil pour la petite enfance absorbe 1,1 M€ (fonctionnement et personnel inclus), pour 120 familles bénéficiaires. À Jacou, l’extension du centre de loisirs représente 1,9 M€ d’investissement étalé sur deux exercices.
  • Solidarité et action sociale À Montpellier, dont le budget dépasse 550 M€, plus de 22 M€ sont consacrés au Centre communal d’action sociale (CCAS), qui gère aides d’urgence, résidences seniors et épiceries solidaires.
  • Culture et patrimoine A Ganges, la rénovation de la halle polyvalente couverte et la programmation culturelle municipale totalisent près de 420.000€ sur deux ans (2022-2023).
  • Sécurité et propreté Lunel a engagé en 2023 plus de 620.000€ pour la vidéo-surveillance et l’équipement de la police municipale. La collecte des déchets, souvent déléguée à des syndicats intercommunaux, représente une facture de 2,9 M€ pour une commune type de 12.000 habitants (données SIVOM Bassin de Thau).

À chaque échelle, l’argent public se partage entre urgence (assurer le service minimum) et ambition (porter des projets nouveaux).

Quels enjeux pour demain dans nos communes ?

Le budget communal est souvent perçu comme trop technique ou éloigné des préoccupations des habitants. Mais il conditionne directement la capacité à maintenir des services de proximité en milieu rural, à investir pour les jeunes, ou à préparer la transition écologique.

  • Vieillissement de la population : l’Hérault compte, d’ici 2030, une croissance de 25 % des plus de 65 ans selon l’Insee. Le poids des dépenses sociales s’alourdit ; la question de l’adaptation du logement et des services à domicile s’impose.
  • Transition écologique : la rénovation thermique des écoles et des bâtiments publics, ou la gestion de la ressource en eau, représentent des défis d’investissement majeurs alors que les marges de manœuvre financières s’étiolent.
  • Répartition territoriale : la métropole montpelliéraine concentre une grande part des ressources, mais 65 % des communes héraultaises comptent moins de 1.000 habitants. L’enjeu de péréquation et de mutualisation des services revient régulièrement dans les débats locaux (source : CEREMA – Étude 2023).
  • Inflation et hausse des coûts de l’énergie : les charges de fonctionnement augmentent entre 2021 et 2024 de 14 % en moyenne (source DGCL), limitant la capacité à investir sans augmenter la fiscalité ou renoncer à certaines missions.

À l’heure des restrictions budgétaires et des attentes citoyennes en hausse, comprendre les priorités du budget municipal devient un enjeu démocratique de premier plan. La transparence et la pédagogie sur l’utilisation des fonds locaux restent un levier pour réconcilier élus et usagers, notamment dans l’Hérault où les inégalités de ressources restent marquées entre communes littorales, périurbaines et de l’intérieur.

Observer le budget d’une commune, c’est plonger dans la réalité concrète du service public. C’est aussi, pour chaque habitant, la possibilité de peser sur des choix qui, à mille lieues des polémiques nationales, façonnent intimement un quotidien partagé sur notre territoire.