Ce qui remplit les caisses : comprendre les revenus des communes de l’Hérault

31 mai 2025

Pourquoi parler d’argent communal dans l’Hérault ?

Dans les petites comme dans les grandes villes de l’Hérault, le sujet de l’argent public traverse toutes les conversations : pourquoi la piscine ferme-t-elle deux semaines l’été ? Qui finance un festival, une piste cyclable ou la rénovation de l’école ? Qui sait réellement d’où vient l’argent que les mairies dépensent ? La question est d’autant plus décisive ces dernières années, avec des budgets municipaux souvent sous tension, entre inflation, attentes citoyennes et transformations locales.

Cet article propose de remonter à la source : quelles sont, concrètement, les principales ressources financières des communes héraultaises, qu’il s’agisse de Sète, Béziers, Agde, Lodève ou Murles ? L’idée : dévoiler la mécanique, chiffres à l’appui, et mettre en lumière les évolutions qui modèlent aujourd’hui l’action des élus locaux.

Les impôts locaux, une source centrale… mais en mutation

La fiscalité directe : toujours un pilier

Longtemps, la recette majeure des communes a tenu à la fiscalité directe locale, payée par les habitants ou entreprises implantées dans la commune. Jusqu’en 2020, ce pilier se structurait autour de trois lignes :

  • La taxe d’habitation : payée par les occupants des logements, qu’ils soient propriétaires ou locataires.
  • La taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) : acquittée par les propriétaires.
  • La cotisation foncière des entreprises (CFE) : due par les entreprises locales, au profit des intercommunalités le plus souvent.

Mais depuis la réforme fiscale lancée sous la présidence Macron, la taxe d’habitation a progressivement disparu pour les résidences principales, supprimant une part considérable de l’autonomie fiscale directe des communes. En 2019, la taxe d’habitation représentait en moyenne 28% des recettes de fiscalité directe des communes françaises (Ministère de la Cohésion des territoires).

Aujourd’hui, la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) fait figure de pilier quasiment unique : dans l’Hérault, elle compte pour plus de 60% des recettes fiscales, soit près de 430 millions d’euros cumulés en 2023 pour l’ensemble des communes (impots.gouv.fr). Une moindre diversification, qui rend les budgets municipaux très dépendants du marché immobilier local.

Zoom : la pression fiscale dans l’Hérault

  • Béziers, 80 000 habitants, affiche un taux de taxe foncière parmi les plus élevés, avec 52,21% en 2022, contre une moyenne nationale de 40% (Dossier de la revue Capital).
  • Dans des villages comme Saint-Guilhem-le-Désert, la faible base d’imposition (peu d’habitants, un parc immobilier ancien peu rénové) pèse lourd sur la capacité d’autofinancement de la commune.
  • De nombreuses stations balnéaires (Marseillan, Valras-Plage) voient leurs recettes boostées par les résidences secondaires, qui paient toujours la taxe d’habitation, une manne qui explique la fiscalité souvent moins marquée pour les locaux à l’année.

Des taxes annexes et redevances : pesées mais ciblées

  • Les droits de mutation sur les ventes immobilières vont principalement au Département, mais une part « frais d’acte » revient aux communes.
  • La taxe de séjour (hébergements touristiques) profite largement à des communes comme Agde ou Le Cap d’Agde, jusqu’à plusieurs millions d’euros chaque saison (Source : commune d’Agde).
  • Des redevances pour l’occupation du domaine public (terrasses, marchés, emplacements), qui restent souvent symboliques dans le budget.

Les dotations et subventions de l’État : des ressources décisives, souvent contestées

L’état, principal bailleur… mais à la baisse

L’autre grande manne, ce sont les dotations de l’État : la fameuse Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) représente pour de nombreuses communes héraultaises la planche de salut permettant de payer agents, fournitures, petit entretien… À l’échelle du département, ce sont près de 225 millions d’euros de DGF en 2023 (Préfecture de l’Hérault).

La DGF est complexe : elle est répartie selon la population, mais aussi la « richesse fiscale » locale et des critères de péréquation (pour soutenir les territoires les moins dotés). À Sète, la DGF est de 161 euros par habitant, contre seulement 82 euros à Clapiers, exemple d’une commune réputée « riche ».

Point essentiel : la DGF a baissé de près de 20% entre 2013 et 2020, soit une perte cumulée de 30 millions d’euros pour les communes du département. Cette raréfaction accentue la dépendance à la fiscalité locale, mais renforce aussi les inégalités de ressources.

Les subventions à projets, moteur du changement… mais précaires

  • Le Fonds de soutien à l’investissement local (FSIL) : pour les rénovations énergétiques, écoles, équipements sportifs, etc.
  • La Dotation d’Équipement des Territoires Ruraux (DETR), très attendue dans l’arrière-pays : à titre d’exemple, Lodève a touché 440 000 € pour la rénovation d’une voirie en 2022 (source : Préfecture).
  • Fonds européens (FEDER, LEADER) : plus fréquents dans les projets ruraux ou liés au tourisme vert, parfois structurants mais très fluctuant d’un exercice à l’autre, et nécessitant un montage administratif lourd.

Dans les villages du cœur d’Hérault, la DETR permet parfois de financer jusqu’à 80% d’un projet, comme une cantine scolaire à Saint-Martin-de-Londres ou des travaux dans la vallée de l’Hérault.

Les recettes d’exploitation et ressources propres : la petite fabrique de l’autonomie

À côté des grands flux, nombre de communes développent des ressources plus « artisanales », souvent méconnues du grand public.

  • Locations de bâtiments communaux ou d’espaces publics (salles des fêtes, gymnases, terrains agricoles communaux).
  • Ventes de bois communaux (dans l’arrière-pays), pas négligeables pour certaines petites communes forestières.
  • Prestations de service : garderies, restauration scolaire, fréquentation de la médiathèque, piscines, recettes de marché alimentaire, etc.

Si ces recettes sont marginales à l’échelle d’une grande ville, elles peuvent représenter jusqu’à 8% à 10% du budget de gestion courante d’une commune rurale, selon l’Association des Maires de l’Hérault (2023).

Exemple parlant : à Olargues, classé « Plus beau village de France », la location d’espaces communaux ou la billetterie de la Maison du Tourisme représente 62 000 € sur un budget total annuel de 753 000 € soit près de 8%. À Montpellier, à titre de comparaison, ces recettes annexes (hors stationnement) frôlent à peine 1% du budget principal.

À surveiller : la gestion du patrimoine

Certaines communes possèdent un patrimoine foncier ou immobilier conséquent, source possible de revenus via location ou cession de biens. Saint-Gély-du-Fesc a ainsi largement financé la nouvelle école maternelle suite à la vente d’un terrain qui a accueilli un lotissement privé.

Mais la vente de patrimoine n’est pas pérenne : c’est une manne exceptionnelle, qui ne se renouvelle pas, et qui soulève souvent débat sur le long terme.

L’intercommunalité change la donne

Depuis deux décennies, la structure intercommunale joue un rôle croissant. Même si le contribuable paie « ses impôts à la commune », beaucoup de recettes transitent par l’intercommunalité.

  • La CFE (cotisation foncière des entreprises) et la DGF bonifiée vont directement à l’échelon intercommunal.
  • La gestion de la collecte des déchets, de l’assainissement ou des transports est souvent financée par une redevance spécifique intercommunale (TEOM, redevance assainissement, etc.)
  • Les grandes opérations d’urbanisme, d’innovation économique ou de mobilité sont portées et financées en direct par l’intercommunalité, allégeant ou privant les communes de recettes… comme de charges.

Par exemple, dans la Métropole de Montpellier, près de 35% du budget consolidé des communes membres est géré par la Métropole (chiffre Insee, 2022). Le fléchage des recettes vers les politiques locales devient alors plus opaque pour le citoyen.

Des équilibres fragiles, entre pression fiscale et attentes croissantes

La situation financière des communes héraultaises apparaît contrastée, mais plusieurs tendances se dessinent :

  • Dépendance accrue à la fiscalité foncière : avec la suppression de la taxe d’habitation pour les résidents principaux, les recettes se concentrent sur la taxe foncière, rendant vulnérable au retournement du marché immobilier ou à l’évolution démographique.
  • État “garant, mais pas payeur” : la diminution de la DGF accroît la pression sur les petites communes, qui peuvent peiner à autofinancer l’entretien courant de leurs équipements.
  • L’effet Intercommunalité : les flux financiers sont de plus en plus mutualisés, ce qui bénéficie aux projets d’envergure mais tend à éloigner le citoyen du pilotage local, voire à créer un sentiment de dépossession.

La disparité demeure : Montpellier peut miser sur un bassin fiscal dynamique, là où Clermont-l’Hérault ou Ganges doivent recourir plus massivement à l’ingénierie de projets pour séduire l’État ou l’Europe et maintenir les investissements. Au final, chaque choix fiscal façonne très concrètement les capacités d’action municipale : la mobilisation électorale autour des impôts ou de la répartition des dotations reste un sujet brûlant dans bon nombre de conseils municipaux héraultais cette année.

Reste à suivre : le débat sur une nouvelle “fiscalité verte” locale, l’expérimentation de ressources issues de l’énergie ou du foncier, l’autonomisation progressive des petites communes face à l’échelon intercommunal. De quoi observer, analyser, questionner collectivement la fabrique des politiques publiques locales… et notre pouvoir d’action, en citoyen éclairé de l’Hérault.