Budget municipal : qui décide, qui prépare, et comment tout cela fonctionne vraiment ?

15 juin 2025

Le budget municipal : la colonne vertébrale de l’action locale

Chaque année, au cœur de la vie municipale, une question revient comme un marronnier incontournable : comment seront dépensés les impôts locaux, les dotations de l’État, les recettes diverses de notre commune ? Derrière les pages de chiffres se dessinent des choix de société. Routes rénovées ou non, écoles entretenues ou laissées de côté, subventions aux associations, politique sociale, sécurité, culture, transition écologique : tout découle de ce moment clé, trop souvent opaque, qu’est le vote du budget municipal.

À l’échelle de l’Hérault, plus de 340 communes s’y attellent chaque hiver, avec des montants variant de quelques centaines de milliers à plusieurs centaines de millions d’euros pour Montpellier ou Béziers (INSEE). Mais comment s’élabore ce document décisif ? Qui y prend part, qui décide, et à quels moments peut-on vraiment peser sur l’allocation des moyens collectifs ?

Le processus d’élaboration : un long chemin semé de discussions, arbitrages et calculs

Des services à la mairie : machine à remonter les besoins

Contrairement à une idée reçue, l’élaboration du budget municipal ne commence pas dans le bureau du maire, stylo à la main. Tout part des services municipaux, qui remontent les besoins et projets pour l’année à venir. Écoles, voiries, urbanisme, affaires sociales, culture… Chaque direction transmet une “lettre de cadrage” à partir d’un premier bilan de l’exécution budgétaire passée, du niveau d’usure des équipements, des demandes citoyennes (signalements, pétitions, réunions publiques) et des orientations politiques fixées par la municipalité.

  • Entre octobre et décembre : les services ajustent leurs propositions au fil de réunions avec la direction financière.
  • Des simulations sont réalisées, parfois avec l’aide de prestataires extérieurs, pour chiffrer précisément les coûts et évaluer le réalisme des demandes face aux recettes attendues.

Exemple : à Sète, en 2023, la rénovation de l’école Anatole France, réclamée par les parents d’élèves, n’a pu trouver place que dans le budget primitif suite à la réaffectation de crédits initialement prévus pour l’entretien de la voirie (Midi Libre).

Les élus municipaux : entre arbitrages politiques et contraintes financières

Les arbitrages, eux, reviennent à la majorité municipale. Une première réunion politique détermine les grandes priorités : maintien des taux d’imposition, nouveaux investissements, marges de manœuvre sur les dépenses, fonds de réserve.

  • Le maire et ses adjoints, notamment celui en charge des finances, tranchent sur l’inscription ou non des projets défendus par les différents groupes du conseil municipal.
  • Dans certaines villes, une commission extra-municipale associe des habitants ou des représentants d’associations à la réflexion (exemples à Jacou et à Pézenas, voir sources locales Midi Libre).

À ce stade, toutes les dépenses ne sont pas encore figées : les enveloppes par domaine sont ajustées, mais certains dossiers restent ouverts à négociation jusqu’à la veille du conseil municipal.

Le passage en commission : étape obligatoire, mais pas toujours transparente

Avant le conseil municipal, le projet échoue devant la “commission des finances”, composée d’élus de la majorité et de l’opposition. C’est là que l’opposition municipale peut exiger des explications, demander des rectifications ou déposer des amendements. La presse locale et Les Comptes-Rendus de Conseils Municipaux attestent toutefois que ces commissions sont parfois expédiées en moins d’une heure dans les petites communes, faute de moyens et de spécialistesde la comptabilité publique.

  • À Montpellier, la commission des finances a parfois vu certains élus découvrir les grandes masses budgétaires quelques jours seulement avant le vote (La Gazette de Montpellier).

Le vote en conseil municipal : le cérémonial du “budget primitif”

Le calendrier légal : une fenêtre de tir réglementée

Le budget doit être obligatoirement voté avant le 15 avril (31 janvier pour les communes de plus de 3,5 millions d’euros de budget de fonctionnement) (Ministère de l’Intérieur). Le projet complet est adressé aux conseillers municipaux, souvent une semaine avant la séance, assorti d’une note présentant les principaux choix structurants.

Le débat démarre généralement avec une présentation globale par l’adjoint(e) aux finances, parfois appuyé par des graphiques et des synthèses pour le public. Place ensuite aux questions, critiques ou suggestions des autres élus : opposition, mais aussi membres de la majorité qui souhaitent faire entendre une voix discordante.

Majorité des voix, mais qu’en pense l’opposition ?

Le budget primitif est adopté à la majorité simple des conseillers présents ou représentés (procurations comprises). Si le budget n’est pas voté dans les délais, le préfet peut intervenir pour arrêter d’office le budget, signe d’une crise politique, mais ce cas reste marginal (moins de 0,5% des communes concernées en France chaque année, selon le rapport 2022 de la Cour des Comptes).

  • En pratique, l’opposition s’abstient ou vote contre, marquant symboliquement sa différence plus que de réelles chances d’infléchir la ligne budgétaire.
  • Dans les villes où le conseil municipal reflète des clivages tendus, les séances budgétaires peuvent durer plusieurs heures, avec témoignages d’associations invitant les élus à ne pas oublier certains pans de l’action publique (aide alimentaire à Béziers, sécurité à Montpellier, rénovations énergétiques à Béziers).

Du document de chiffres à la politique locale : comprendre ce qui se joue

Les grands agrégats d’un budget municipal

  • Dépenses de fonctionnement : salaires des agents, achats de fournitures, entretien des bâtiments, énergie, subventions aux associations.
  • Dépenses d’investissement : achat ou construction d’équipements (écoles, gymnases, voirie), rénovation, modernisation des infrastructures publiques.
  • Recettes : impôts locaux (taxe foncière, taxe d’habitation résiduelle), dotations et subventions de l’État, tarifs des services publics (cantine, eau, stationnement).

Le budget voté doit être présenté à l’équilibre entre ces grandes masses, chaque section (fonctionnement, investissement) devant s’autofinancer – un point de vigilance constant, car une commune française sur trois a déjà voté des budgets en déséquilibre temporaire, rattrapés par des ajustements en cours d’année (collectivites-locales.gouv.fr).

Le contrôle citoyen (ou son absence) ?

En théorie, le budget est un acte public : chacun peut y accéder, le consulter en mairie ou en ligne. Il est même affiché, selon la loi, à l’entrée de la mairie, parfois dans une version “vulgarisée” accessible aux non-experts. Dans les faits ? Peu de citoyens s’y penchent vraiment. Un sondage IFOP de 2022 révèle que moins de 11% des Français déclarent avoir déjà lu le budget de leur commune, mais 58% regrettent de ne pas être mieux associés aux choix en matière d’éducation, aménagement ou sécurité (IFOP).

Quelques villes, comme Lodève (Hérault), ont institué des “débats publics” en amont du vote officiel, où les grands équilibres sont exposés et discutés avec la population, sans que cela débouche nécessairement sur des modifications substantielles.

Budget participatif : mode d’emploi local et véritables marges de manœuvre

Depuis 2016, la “démocratie participative” s’est installée dans le débat budgétaire local par le biais des budgets participatifs. À Montpellier, 2,5 millions d’euros ont ainsi été alloués depuis 2018 sur des projets votés par les habitants (projets d’aménagement de parcs, de jardins partagés, sécurisation de pistes cyclables, Ville de Montpellier).

Cependant, ces budgets ne représentent qu’environ 1 à 2% du total des dépenses d’investissement. Leur ambition est donc plus symbolique que structurante, même si plusieurs écoles rénovées, jardins comestibles, ou lieux culturels locaux ont vu le jour grâce à cette dynamique citoyenne. Plus intéressant encore : ces processus obligent la mairie à publier des comptes-rendus détaillés et pédagogiques, créant un début de culture budgétaire partagée.

Entre contraintes et marges de manœuvre : qui a vraiment la main sur le budget communal ?

  • Les services municipaux amorcent la réflexion, établissent les diagnostics, proposent les projets.
  • La majorité municipale (maire et adjoints) arbitre et donne l’impulsion politique.
  • L’opposition peut contester, amender, alerter, mais rarement infléchir.
  • L’État veille à la régularité et peut trancher en cas de blocage grave.
  • Les citoyens interviennent a minima, sauf cas particuliers de budgets participatifs ou pétitions très organisées.

Le grand équilibre est donc marqué par une lourde inertie institutionnelle, mais quelques marges d’influence subsistent, là où la pression citoyenne ou associative sait peser (mobilisation pour la gratuité des cantines à Frontignan, victoire des collectifs écologistes sur les aménagements cyclables à Montpellier).

Reste que la “démocratie budgétaire” locale est encore loin d’une appropriation massive par les citoyens, en dépit des appels récurrents à la transparence. Un défi dont on reparlera, à ROUMEGAS, à chaque nouvelle saison budgétaire.

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